Entrevue avec le chef Jean Soulard
par Mireille Forget le 2021-10-01
Entrevue exclusive pour les lecteurs de la Ferrée-Pinguet obtenue lors de la Fête du pain à la Seigneurie des Aulnaies.
Merci à monsieur Soulard de s'être si gracieusement prêté à cet exercice.
Jean Soulard est né en Vendée, à La Gaubretière, petit bourg français de 2000 âmes sur la côte atlantique de la France. Il aime raconter ce petit village où il est né. Il y avait une auberge et une boulangerie et elles étaient toutes deux tenues par un des deux couples de ses grands-parents.
Il a grandi entouré d’affection paysanne et c'est de là que lui est venu son amour pour la table et les aliments de qualité. Le bien manger était au coeur des relations familiales et comme il dit: «Les vraies affaires se passent autour d’une table.»
Puis, tout naturellement, il s'est dirigé vers la restauration et il a commencé à explorer le monde, un bon chef cuisinier français trouve du travail partout. D'abord en Europe puis en Asie dans des villes comme Tokyo, Manille ou Hong Kong avant de redécouvrir le Québec et il n'en est jamais reparti. «40 ans que ça dure» dit-il.
Son parcours comprend aussi une carrière de chroniqueur sur les sujets qui le passionnent: vins et fromage, fleurs et jardins, gastronomie...
Ambassadeur de la cuisine québécoise et canadienne, Jean Soulard parcourt le monde lors de festivals et promotions afin de promouvoir ce à quoi il croit le plus: «La cuisine à travers l’humain». Il a aussi publié 12 livres.
Essayer autre chose
Assis au soleil sur les marches derrière le manoir, il m'a donné ses impressions du Québec. Il y a fait carrière dans les cuisines des grands hôtels et ici je ne citerai que les 2 plus connus: le Reine Élisabeth à Montréal et le Château Frontenac à Québec.
Comme nous étions à la fête du pain, le sujet a tout de suite dévié sur le pain blanc tranché moelleux de type commercial qu'il a découvert ici. Pas besoin de dire qu'il n'a pas été impressionné par le goût et la texture...
Alors, lorsqu'il est arrivé au Château, il a vu qu'on servait encore des petits pains blancs à table. Pas de baguette... Pas convaincu du résultat pour ce qui est de l'accompagnement de sa cuisine raffinée, il a cherché et trouvé un boulanger artisan capable de fournir son restaurant. Mais ce ne fut pas une mince affaire et, quelques années plus tard, il disposait de plusieurs sortes de pains et brioches de confection artisanale qu'il pouvait offrir à ses clients... Un peu comme celles que nous avons la chance de pouvoir nous procurer à Saint-Roch.
Promotion d'une alimentation saine
Jean Soulard ne se contente pas d'être cuisinier, il veut être un ambassadeur de la bonne cuisine et ceci inclut un rapport étroit avec les producteurs-transformateurs. Un aliment sain et de qualité a naturellement du goût.
Il entretenait donc sur les toits du Château Frontenac quelques poules et un carré de fines herbes pour sa cuisine, sans oublier les célèbres ruches! Jean Soulard est un passionné et un athlète. C’est qu’il faut être en forme physique et mentale pour supporter la frénésie d'une cuisine de grand restaurant et les longues heures de travail.
Une jolie découverte
Il s'est dit très heureux de découvrir la Seigneurie des Aulnaies, son moulin, sa boulangerie. Impressionné de réaliser le maillage étroit qui existe avec les producteurs locaux de céréales bio. Heureux d'être là, au soleil, à placoter tout en se préparant à donner sa première conférence.
Et lors de celle à laquelle j'ai assisté, il est entré d'emblée dans le sujet en disant «être né dans la farine». Il se souvient avoir vu son grand-père les mains dans la farine afin d'évaluer la qualité du gluten. L'amour du grain du meunier, le savoir de panification nécessaire pour bien le travailler afin d'en faire un produit goûteux et nourrissant, même s'il faut se lever très tôt le matin pour y arriver.
Le plaisir de cultiver un grand potager qui va nourrir son monde... Le travail et les joies simples de la ferme, les péripéties du cochon qui fait des frasques, le son des poules qui caquettent... Il nous a régalé d'histoires de son enfance et plusieurs d'entre vous comprennent très bien. Un monde simple et autosuffisant, du moins en alimentation. C'est assez proche de ce que vivaient nos grands-parents. De plus, il est tellement drôle, cabotin comme vous pouvez le voir sur la photo du bas.
Osez cuisiner, osez la découverte
S'il est une chose que la pandémie nous a réappris c'est le goût de cuisiner et même de faire du pain.
Jean Soulard nous encourage à oser, oser de nouvelles recettes, oser utiliser autant que possible des produits frais et de saison. Redécouvrir les recettes de famille. Réapprendre à cuisiner sans toujours mesurer les ingrédients parce qu'on a compris comment ça fonctionne. Il nous encourage: «Mettez des ingrédients locaux, ce que vous aimez, ce qui correspond à votre identité. Ce qui vous rassemble.» Oui, la bonne cuisine c'est un art, un art de vivre et de communiquer.
Finalement, quand je lui ai demandé ce qu’il pensait de la Fête du pain, de la Seigneurie des Aulnaies et ce qu'il faudrait mettre comme mot de la fin, il a été simple et direct: « Je vais revenir!» Et je crois bien qu’il va le faire…
Mireille Forget